Babylon : vivre le cinéma

En 2014, le réalisateur franco-américain Damien Chazelle faisait ses débuts au cinéma avec Whiplash, film traitant d’un batteur passionné prêt à tout pour faire de son art son métier. Avec ce premier film, Chazelle présentait déjà les deux thèmes centraux de son cinéma : la détermination de personnes talentueuses et l’emprisonnement causé par cet art qui les consume, le tout accompagné de la magie de la musique de son ami Justin Hurwitz. Ce premier film était une réussite mais c’est bien celui d’après qui consacra à mes yeux le réalisateur au rang de grands du cinéma moderne, La La Land. Une comédie musicale se déroulant à Los Angeles, une histoire d’amour entre un joueur de jazz et une future actrice, la consécration du réalisateur aux oscars et la première victoire d’Emma Stone aux oscars pour son interprétation radieuse. 2 ans plus tard, Chazelle dit adieu à l’art en apparence en réalisant First Man, film sur Neil Armstrong et la conquête spatiale. Pourtant les thèmes du cinéaste persistent, le travail de l’astronaute devenant son art. 5 ans après, Damien Chazelle revient sur nos écrans pour son quatrième long-métrage, pulvérisant la durée de ses prédécesseurs (3H09) et traitant d’une période déjà vu plusieurs fois sur grand écran, la transition du cinéma muet au cinéma parlant (The Artist, Chantons sous la pluie), mais se différenciant des autres et de ses précédents films sur un point : au diable la pudeur. Ce pari de montrer la noirceur et la folie d’Hollywood est-il réussi, ou bien Chazelle tombe-il dans les travers d’un film trop long, se perdant en cours de route ?


Affiche de Babylon, réalisé par Damien Chazelle, sorti le 18 janvier 2023 en France

En 1926 à Los Angeles, le cinéma muet bat son plein. Manuel « Manny » Torres, un immigré d’origine mexicaine, est homme à tout faire pour le Studio Kinoscope et doit transporter un éléphant pour une fête donnée par ses employés. Lors de la soirée orgiaque, Manuel rencontre Nellie LaRoy, une jeune femme qui rêve d’être actrice. En sniffant tous deux de la cocaïne, Manuel lui avoue lui aussi vouloir entrer dans le monde du cinéma pour faire partie de « quelque chose de plus grand ». L’ambition de ces deux jeunes personnes va se retrouver confronter à l’arrivée du cinéma parlant tandis que leur destin va s’entremêler à celui de Jack Conrad, plus grande célébrité de l’époque, de Lady Fay Zhu, danseuse de cabaret s’occupant des intertitres et de Sydney Palmer, trompettiste.

Le film est donc réalisé et écrit par Damien Chazelle, la musique composé par Justin Hurwitz, habitué des films de Chazelle, le montage réalisé par Tom Cross et la photographie par Linus Sandgren, ayant tous deux travaillé sur les films de Chazelle mais aussi sur Mourir Peut Attendre. Le casting se compose du nouveau venu Diego Calva, de l’étoile montante des dix dernières années Margot Robbie (Le Loup de Wall Street, The Suicide Squad, I Tonya, Once Upon a Time In Hollywood), du vétéran Brad Pitt (Seven, Once Upon a Time in Hollywood, Bullet Train, l’armée des douze singes) mais aussi de Jean Smart (Mr Wolff, la série Watchmen), Li Jun Li, Jovan Adepo (Overlord) et Tobey Maguire (Spiderman, Gatsby le magnifique).


Chazelle, génie de la mise en scène et magnat du montage

Après avoir réalisé quatre films (cinq si l’on compte son premier jamais sorti en France), Damien Chazelle peut véritablement se placer dans le panier des grands réalisateurs anglophones modernes, aux côtés entre autres d’Edgar Wright. Chazelle vient prouver avec Babylon que son oscar du meilleur réalisateur pour La La Land en 2017 n’était pas lié au hasard mais bien à un véritable talent digne des plus grands. Sa réalisation parvient à être fluide tout en étant excentrique. Sa caméra est rarement fixe, nous conduisant dans cet univers à travers les yeux de ses personnages, à travers l’émerveillement de Manny Torres ou l’excentricité de Nellie LaRoy. Chazelle s’accompagne pour cela de nombreux longs plans-séquences, toujours maîtrisés, toujours dynamiques. Parmi les prouesses de réalisation du film, Chazelle parvient entre autre à filmer sur le même plan une dizaine de personnages en mouvements, mais à faire en sorte que seul celui de Margot Robbie ne soit retenue par notre rétine, que l’on suive son personnage et sa chorégraphie témoignant de toute la folie que souhaite montrer le réalisateur, de tout l’emportement qu’entraîne cette démesure de l’Hollywood pré parlant. Chazelle rend chaque scènes grandioses par sa caméra, mais aussi grâce aux différents autres points dont je traiterais par la suite, qu’une fois sorti de la salle ce n’est pas une mais plusieurs séquences qui restent en tête : aucun moment n’est moins bien réalisé que l’autre, jouant grandement sur la fluidité du long-métrage. Quand Chazelle se sert de champs/contre-champs, il ne le fait pas de manière banale mais au contraire, il le fait de manière à dire quelque chose : ici l’amour entre deux personnages. Quand Chazelle pose sa caméra pour conserver un plan fixe, il la pose à l’endroit exact où elle doit être pour ressentir toutes les émotions voulues. Une scène vers la fin du film est particulièrement marquante pour ce point, Chazelle stoppant sa caméra à une porte, ne laissant qu’entrevoir ce qu’il se passe derrière cette porte, donnant une pudeur à cette certaine scène, loin de l’excentricité du début, instaurant une ambiance bien plus triste que précédemment.

La mise en scène de Damien Chazelle est méticuleuse de a à z, à la fois puissante, millimétrée et juste. Le réalisateur de 36 ans seulement s’inspire cette fois-ci de Martin Scorsese mais conserve pour autant des plans qui lui sont propres, comme celui de la caméra passant en moins d’une seconde d’un personnage à un autre sans pour autant subir de coupe. Offrir une réalisation dynamique et fluide remplis de mouvements de caméra éblouissants ne fait pas tout. Au cinéma, tous les plans doivent avoir un certain sens. Ça aussi Chazelle l’a compris. La réalisation de son long-métrage ne fait pas que impressionner, elle pourrait aussi mériter d’une analyse scènes par scènes tellement chaque instant de réalisation veut nous faire comprendre quelque chose. Pour en finir avec la somptueuse réalisation de Chazelle et pour amorcer la partie sur le montage de Cross, il est important de parler d’une autre force de la réalisation : les plans cadrés à la manière de films des années 20 mais surtout leur utilisation dans le film, dans sa fin en particulier. Chazelle filme d’abord des plans avec la force de mise en scène permise par la technologie moderne mais revient ensuite sur ses plans à travers une caméra d’époque, apportant un certain rythme et une certaine narration à son film. La gestion de ces différents cadres par Chazelle est parfaite, aucun ne paraissant mis à un moment inopportun. Le montage de Cross rend le tout d’autant plus fluide qu’il permet aussi d’instaurer des plans sur des pellicules ou bien sur des caméras sans dénoter avec le rythme. Le montage déjanté du long-métrage offre des moments radieux en plus de participer fortement à la narration. Plusieurs scènes étant simplement un effet de montages présentant l’histoire à travers celui-ci : l’arrivée de la célébrité de Nellie, la conclusion des personnages présentée par des magazines ou les cinq dernières minutes, très grand moment de cinéma dont je parlerais en détail dans la partie spoilers.

Des acteurs jouant des acteurs ou la perfection d’un casting au service de personnages mémorables

Un film porté par Margot Robbie et Brad Pitt ne peut qu’offrir des performances mémorables. C’est en effet le cas dans Babylon. Brad Pitt y signe une performance sensationnelle, à la fois drôle et touchante mais surtout très crédible, ne surjouant jamais la colère et ne tombant jamais dans le ridicule lorsqu’il joue son personnage dans des scènes grotesques. Margot Robbie signe quant à elle la seconde meilleure performance de sa carrière, juste après celle dans Moi, Tonya de Craig Gillespie, performance qui lui avait valu une nomination aux oscars, on ne peut qu’espérer que celle dans Babylon lui offre une victoire, ce qui serait amplement mérité vu la puissance de son jeu : séductrice, touchante, excentrique, sournoise, drôle et électrique. Je doute néanmoins fortement qu’elle parvienne à obtenir sa statuette ce qui est bien dommage. Toutefois, sa performance reste gravée dans les mémoires tant elle est marquante dans chacune de ses scènes de son introduction à sa conclusion mais en particulier lors de la scène de son premier tournage, jouant de manière extrêmement méta une actrice en train de jouer. Margot Robbie confirme une nouvelle fois ce que l’on savait déjà, elle est la meilleure actrice de moins de quarante ans à travailler dans le milieu. Bien que les performances de Pitt et Robbie soient irréprochables, celle de Margot Robbie étant la meilleure du film, c’est bien Diego Calva le personnage central du long-métrage, et cet acteur est la révélation du long-métrage. Calva fait passer la majorité de son jeu par ses regards, toujours plein de sens et mis en avant par la caméra de Chazelle. L’acteur apporte à son personnage ce qu’il faut pour mériter un rôle de premier plan et ne se laisse pas effacer par ses co-stars, jouant avec autant de justesse que les habitués d’Hollywood que sont Robbie et Pitt. En dehors de ce trio de tête, quatre autres performances sont à notifier. Tout d’abord, celles de Jovan Adepo et Li Jun Li, offrant avec leur peu de temps d’écran des interprétations touchantes et remarquables. Les deux autres sont celles de Jean Smart et Tobey Maguire. Jean Smart est piquante mais juste dans son interprétation, au point où l’on ne peut imaginer personne d’autre qu’elle dans son rôle, tandis que Maguire n’a jamais été aussi terrifiant. L’acteur d’ordinaire connu pour des rôles de personnages sympathiques instaure ici une crainte et une gêne voulue et maîtrisée lors de ses quelques minutes d’écran. En bref, Babylon c’est un casting haut de gamme ne se reposant pas sur ses acquis.

Du côté des personnages qu’interprètent ces acteurs, le plaisir de les suivre est toujours présent. On s’attache assez rapidement aux différents protagonistes, même à ceux avec peu de temps d’écran, grâce à de légères répliques, souvent à caractère humoristique comme dans le cas du personnage du Jean Smart, ou en montrant l’amitié les unissant, comme avec celui de Li Jun Li, amitié s’effaçant avec l’arrivée du parlant. Le trio de tête se montre particulièrement touchant et attachant, en particulier le protagoniste, Manny, dont le caractère self made man vient le rendre proche du spectateur. C’est à travers ses yeux que l’on découvre cet univers, il était donc important de l’écrire correctement et c’est plus que le cas, Manny, Manny étant un héros que l’on prend plaisir à suivre et dont on vient à souhaiter le bonheur. Son évolution le long du film est la mieux gérée de toute tandis que sa romance avec Nellie est touchante, en partie grâce à leur thème musical. De plus, Chazelle réussit à faire coexister les trois protagonistes sans qu’un ne gâche la scène d’un autre.
Enfin, c’est à travers ces trois protagonistes et les personnages gravitant autour que le film parvient à faire rire, beaucoup dans sa première partie, mais aussi pleurer, tout autant dans sa conclusion, et avoir peur, notamment face à Tobey Maguire.

Musique, Direction Artistique et photographie : tout fait corps

Dès la longue introduction de trente minutes, le spectateur est amené à comprendre ce que lui réserve Babylon. Dans cette introduction, Chazelle se libère complètement, abandonnant toute pudeur et révélant une folie magistrale, qui risque d’être considérée comme grotesque par certains, ce que je peux parfaitement comprendre. Néanmoins, dans mon cas, cet aspect grotesque, loin de m’avoir dérangé, m’a bien plus amusé qu’autre chose, collant parfaitement avec la vision souhaitée par Chazelle et accentuant le calme catégorisant l’arrivée du parlant.

Comment parler de Babylon sans traiter de sa musique ? La victoire aux golden globes de la composition de Justin Hurwitz est parfaitement justifiée, celle-ci étant la plus grande force d’un long-métrage rempli de qualité. Toutes les compositions de Hurwitz restent dans la tête une fois la séance passée, chacune d’entre elles jouant un rôle dans l’histoire, se rendant indissociables du film et dont l’écoute une fois la séance finie ne peut que rappeler les scènes dans lesquelles elles ont été utilisées. En répétant des mêmes thèmes et jouant sur la tonalité, Hurwitz vient montrer la folie mais aussi la tristesse de cet Hollywood, tandis qu’en reprenant des airs de Someone in the crown, chanson de La La Land qu’il avait composé pour Chazelle, le compositeur vient insister sur la tristesse s’instaurant chez ses personnages perdus. En définitif, Hurwitz a frappé très fort avec sa musique, musique d’autant plus mise en avant par le mixage son. Ce mixage son la fait coexister avec les différents dialogues, la rendant encore plus forte que ceux-ci par instants. Autre prouesse du mixage son, faire coexister différentes répliques au même moment sans perdre en fluidité auditive.Derniers points avant de traiter du rapport de Babylon au cinéma ainsi que de l’odyssée qu’il présente, la photographie, la direction artistique et les transitions. Tout d’abord, la photographie est à l’image des précédents travaux de Linus Sandgren, à savoir visuellement sublime. Chaque plan est travaillé au millimètre afin de satisfaire la rétine par sa beauté, ou non, et signifie quelque chose. La direction artistique est quant à elle sublime, les décors et costumes étant magnifiques et participant grandement à l’immersion dans cette époque en plus de présenter un univers visuel unique, en association avec la mise en scène et la photographie. Enfin, les transitions sont toujours fluides, même lorsque l’écran devient tout noir, signifiant la fin d’un acte du film.

Babylon et le cinéma

En traitant de la transition du muet au parlant, Babylon s’inscrit dans la tradition de films à propos de films, de cinéma sur le cinéma. Pour autant, Babylon semble aller plus en profondeur que la majorité des films se servant de ce trope. Babylon présente absolument tous les aspects de cet art et de sa transition d’un extrême à un autre, d’un cinéma muet dans lequel les membres de l’industrie se moquaient de la morale à un cinéma parlant dans lequel la morale est la seule chose qui compte. Chazelle effectue cette transition de manière très intéressante, montrant en profondeur l’impact de cette révolution qu’était le cinéma parlant et comment celui-ci a déstabilisé à la fois les choses devant et derrière la caméra. Cette révolution n’était pas qu’au sein des films et de la manière de les tourner, elle était aussi dans la façon de vivre des acteurs de cette époque et Chazelle capture parfaitement la détresse ressentie par les survivants du muet à l’arrivée du parlant. La détresse de Jack Conrad et Nellie LaRoy est d’autant plus mise en exergue par les interprétations brillantes de Brad Pitt et de Margot Robbie mais aussi par le contraste qu’ils forment avec le personnage de Manny, trouvant lui au contraire sa place dans ce nouveau cinéma. Autre point intéressant qu’entraîne ce changement, c’est la sorte d’acceptation de Conrad à son égard, le personnage trouvant nécessaire que le cinéma évolue mais ne trouvant pas pour autant sa place dans ce nouveau monde. C’est à travers l’opposition de plusieurs séquences similaires que Chazelle vient accentuer cette révolution. Tout d’abord celle du point de vue cinématographique, opposant des tournages à la chaîne, plusieurs films tournés côte à côte dans un chahut constant, en extérieur et avec des incendies pouvant se déclencher sans pour autant perturber le tournage à un tournage parlant, en studio, dans lequel doit régner un silence absolue, dans lequel le stress est décuplé et dans lequel la productivité ralentit. Les deux scènes illustrant cela, la première étant une séquence d’une vingtaine de minutes additionnant deux tournages différents par un montage radieux, une séquence marquée par l’humour qui s’en dégage et en contraste totale avec celle du parlant, l’humour étant presque absent, remplacé par le stress intense de réussir une seule prise. L’autre opposition montrant cette révolution est celle des soirées organisées, la folie de celles de l’ère du muet remplacée par des soirées mondaines où les conversations ne témoignent que de l’ennui.

À travers cette révolution, Chazelle vient rappeler l’importance du cinéma. L’industrie d’Hollywood est plus que critiquée dans le film, celle-ci détruisant des vies, les menant jusqu’à la mort, n’ayant comme seul intérêt que la réussite commerciale de leur long-métrage, allant jusqu’à forcer un homme noir à faire un blackface car il apparaissait trop blanc à la lumière (une scène très puissante) ou renvoyant une femme pour ne pas nuire à la réputation d’une actrice. Hollywood prend des vies et ne les rend pas. Pourtant, Chazelle prône quelque chose d’infiniment plus grand que l’industrie hollywoodienne dans son film, Chazelle prône le cinéma lui-même. Babylon est en effet une ôde au cinéma sous toutes ses formes, voyant cet art comme grand et rappelant ses deux grandes forces : le cinéma est pour tous et est immortel. Alors que l’on suit des personnages au destin tragique, Babylon nous rappelle que des centaines d’acteurs existent et existeront, que des milliers de spectateurs verront des films car le cinéma est immortel et ceux qui le composent le sont grâce à lui. Hollywood voit des acteurs disparaître mais les films les rendent immortels, c’est là qu’est la magie du cinéma. Le monologue tenu par le personnage de Jean Smart face à celui de Jack Conrad constitue la meilleure scène du film pour cela. En une scène, une seule longue réplique, Chazelle montre qu’il a tout compris du septième art. De plus, l’ensemble des dialogues touchant au cinéma sont écrits avec une grande justesse et ne paraissent en rien forcés.

Bien évidemment, Babylon n’est pas qu’un hommage au cinéma. Chazelle n’oublie pas d’écrire une véritable histoire pour accompagner son ode au septième art. Les cinq dernières minutes constituent le plus bel hommage au cinéma que j’ai pu voir en salle, mais je reviendrais dessus dans la partie spoilers.En bref, Babylon est une leçon d’histoire sur Hollywood, une véritable entrée dans les coulisses du cinéma et le jumeau plus sombre de Chantons sous la pluie, film adoré par Chazelle qui n’hésite pas à le rappeler.

Une fresque épique de 3H, pas pour tous

Par sa durée et son sujet, le bide au box-office de Babylon semble s’expliquer. En effet, rares sont les personnes du grand public prêtes à aller voir un long-métrage de 3H09 traitant du cinéma, dont la promotion laissait à désirer, sortant de plus à la même période que Avatar 2. C’est une chose tout à fait compréhensible. En effet, et c’est potentiellement le seul point noir que j’aurais à dire sur Babylon (son aspect grotesque par instants ne m’ayant pas dérangé), le film n’est pas fait pour tous. C’est un film de niche réalisé par un cinéphile à destination d’autres cinéphiles, ou au minimum de personnes s’intéressant à l’histoire du septième art. Si je devais chipoter, je dirais aussi que le long-métrage connaît un ralentissement de rythme légèrement prononcé juste avant son acte final. Pour autant, Babylon est ce que presque aucun film n’est aujourd’hui, Babylon est une véritable épopée, une véritable fresque, une véritable odyssée de 3H durant lesquels on suit avec plaisir et tristesse le destin que l’on sait tragique de trois personnages et du monde qui les entoure. Malgré cette longueur vers les 2H de film, le long-métrage possède un rythme assez inouï au point que l’on ne s’ennuie pas une seule seconde devant lui, et qu’on est prêt à en redemander à la fin, ne voulant pas quitter le siège sur lequel on est assis après avoir évolué avec ces personnages pendant 3H, après avoir pénétré leur vie. Pour cette aventure époustouflante, Babylon mérite bien évidemment la salle de cinéma. Le film a été conçu pour être vu en salle et c’est exactement ça qui en ressort, Babylon est une pure expérience de cinéma, extravagante et gargantuesque mais Babylon est aussi un spectacle, une bouffée d’adrénaline.

Conclusion

En conclusion, qu’est ce que Babylon ? Si le long-métrage ne semble pas fait pour n’importe qui et paraît plutôt réservé aux cinéphiles, l’odyssée offerte par Chazelle permet toutefois un voyage pouvant être appréciable par ceux ne l’étant pas. Pour ceux qui comme moi souhaitent faire du cinéma leur vie ou ceux prêts à se laisser embarquer dans une telle fresque, Babylon est une réussite en tout point. Si l’on parvient à se laisser embarquer par la caméra de Chazelle, c’est face à un roller-coaster d’émotions et de beauté, beauté à la fois dangereuse et émerveillante, que nous sommes plongés. En mélangeant sans jamais copier Once Upon a Time in Hollywood et Le Loup De Wall Street, Babylon dénonce l’industrie d’Hollywood, détruisant des vies mais célèbre le cinéma, rappelant sa grandeur et son immortalité. En période où la crainte de la disparition du médium apparaît de nouveau, il est beau de voir un film célébrant son immortalité, rappelant qu’il est déjà mort plusieurs fois mais qu’il a toujours su renaître de ses cendres. Car Babylon c’est vivre le cinéma de l’intérieur et de l’extérieur en même temps, Babylon c’est quelque chose de grand dans quelque chose qui l’est encore plus, Babylon rappelle pourquoi on aime le cinéma, Babylon est un morceau de cinéma, Babylon est le cinéma.

Meilleures scènes :

  • Le monologue d’Elinor St. John
  • La première journée de tournage
  • La conclusion
  • Manny face à James Mackay

Meilleur performance : Margot Robbie
Meilleur personnage : Manny Torres

Partie Spoilers

Tout d’abord, les morts des personnages de Jack Conrad et Nellie LaRoy sont magnifiquement filmées, dans une grande sobriété. La caméra s’arrêtant à la porte de la chambre de Conrad, le montrant simplement récupérer un pistolet avant d’entendre un coup de feu tandis que Nellie est simplement filmée partant dans une ruelle sombre. Chazelle fait ainsi appelle à l’esprit du spectateur et rend leurs morts bien plus tristes que s’il les avait directement montrées.Après avoir survolé à deux reprises les cinq dernières minutes de Babylon, il est important de revenir finalement dessus dans cette partie spoilers tant celles-ci forment le point d’orgue du film, l’apothéose parfaite et la meilleure conclusion d’un film de Chazelle, lui pourtant habitué aux grandes fins. Alors que l’on veut espérer une fin heureuse pour le couple formé par Nellie et Manny, on ne peut que s’attendre à une fin qui ne le soit pas. C’est en effet le cas, Nellie perdant la vie et Manny ne revenant que vingt ans plus tard à Los Angeles avec son épouse et leur fils, l’ancien homme à tout faire pénétrant une salle de cinéma et regardant Singing in the rain. Rien qu’avec ceci, Chazelle rappelle son amour pour ce film mais vient aussi donner un nouveau sens à plusieurs scènes du long-métrage. Pourtant, le film ne s’arrête pas ici. Après avoir filmé la salle de cinéma, rappelant le côté universel de cet art, Manny porte un dernier regard sur l’écran et Chazelle dégaine alors son arme, offrant un grand et bel hommage au septième art en retraçant en deux minutes toute son histoire à travers les films les plus marquants que celui-ci ait connu, du premier plan filmé aux effets spéciaux d’Avatar. Une fois cet hommage passé, Chazelle ne s’arrête pas là, il reprend des plans de son film et les place dans les couleurs primaires offrant toutes les autres, détruisant son image pour la reconstruire et s’achever sur la naïveté de début de film de Margot Robbie. Car c’est ça le cinéma, c’est une certaine naïveté devant du faux qui émerveille. Pour accentuer cette apothéose, tous les thèmes musicaux du film se mélangent en un seul, montrant la folie du cinéma dans une scène époustouflante, achevant la claque que formait déjà les 3H de films de la plus belle façon possible, illuminant la rétine et rappelant la magie du cinéma.

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